La fixation des distances entre les cultures traitées aux pesticides et les cours d’eau et fossé est désormais laissée à la discrétion des préfets. Ces zones de non-traitement (ZNT) sont un levier important pour la lutte contre la pollution du réseau hydrographique. Les premiers arrêtés publiés dans l’ouest du pays vont être déférés devant la justice, au nom du principe de non-régression.
Lu sur le site du FAME ( Forum alternatif mondial de l’eau )
> Il y a un an, le Conseil d’Etat retoquait l’arrêté de 2006 qui règlementait l’usage des pesticides au bord des cours d’eau. 10 mois plus tard, après une élaboration houleuse et une consultation publique intense, un nouvel arrêté voyait le jour, considéré unanimement comme favorable à l’agriculture conventionnelle et défavorable au bon état écologique des cours d’eau et à la santé. Voici venu le temps de la publication des arrêtés préfectoraux, pour mettre en musique, département par département, les modalités de protection des milieux aquatiques contre la pollution liée à l’application de pesticides, au travers de zones de non-traitement. Attendus pour le 7 juillet au plus tard, beaucoup en sont encore au stade de la consultation. Mais quelques départements les ont déjà publiés.
> Une carte IGN rabotée
> C’est le cas dans les Pays de la Loire, où l’antenne régionale de France Nature Environnement s’est empressée de les décortiquer, pour les comparer aux prescriptions précédentes. Or la cartographie sur laquelle se fondent les arrêtés préfectoraux pour identifier les ZNT a été revue de fond en comble : seuls les cours d’eau et les éléments hydrographiques présents sur les cartes au 1/25.000 de l’Institut géographique national (IGN) font aujourd’hui foi. Le chevelu, les têtes de bassin versant ou les zones humides ont parfois disparu. « Ce chantier cartographique –avec lequel on était déjà mal à l’aise- ne devait pas avoir de portée juridique, explique Benjamin Hogommat, juriste chez FNE Pays-de-la-Loire. Car il a été lancé en exécution d’une simple instruction ministérielle de Ségolène Royal, qui n’a pas plus de valeur qu’une circulaire. >
> 1.500 km de linéaire disparus
> Par la grâce de l’activisme de la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui a activement contribué à cette cartographie -multipliant les demandes de déclassement des cours d’eau-, cette nouvelle topographie a guidé la plume des préfets. Avec des conséquences concrètes immédiates : pour le seul Maine-et-Loire, ce sont 1.500 km de linéaire sur 9.000 qui ont disparu des cartes IGN, a calculé FNE Pays-de-la-Loire. « Désormais, ils seront très probablement considérés comme des fossés, avec une marge de recul par rapport aux épandages qui va passer de 5 mètres à 30 cm », déplore Benjamin Hogommat.>
> Chaque département en fait à sa guise
> Autre changement de taille : la largeur des ZNT est désormais à la discrétion du préfet. « L’arrêté de 2006 posait un cadre général –la carte IGN et des protections minimales-, à charge pour chaque département de prescrire des protections supplémentaires » selon les milieux à protéger, détaille le juriste de FNE. Ainsi, les préfets de Loire-Atlantique et de Vendée avaient imposé pour les fossés un mètre de protection supplémentaire aux 5 mètres déjà prévus par l’arrêté ministériel pour les autres points d’eau. Dans l’arrêté rédigé par la préfète de Loire-Atlantique, les ZNT applicables aux fossés passent de 1 m à 30 cm ; dans d’autres départements de la région, elles ont tout bonnement disparu. « Au vu des études scientifiques existantes quant au phénomène de dispersion des pesticides, il est très dangereux de ne pas prévoir de zone tampon le long des fossés », rappelle Chrystophe Grellier, président de l’Union départementale des associations de protection de la Nature 44.
> Principe de non-régression invoqué
> « La situation risque d’être très hétérogène d’un département à l’autre », s’inquiète Benjamin Hogommat. Et de citer l’exemple de l’Isère, où l’arrêté -« très bref »- ne prévoit aucune ZNT pour les fossés, les zones humides et les zones inondables. Une régression, par rapport à la règlementation précédente. C’est sur ce fondement –le principe de non-régression, inscrit dans la loi pour la protection de la biodiversité- que les juristes associatifs sont en train de fourbir leurs arguments juridiques pour déférer, au cas par cas, les arrêtés.