Le 22 septembre 2010, eau … secours 62 organisait un moment de formation et d’information de ses adhérents et des élus de la CALL, avec la participation de Gabriel Amard, Président de la communauté d’agglomération Les lacs de l’Essonne.Notre invité a expliqué comment sa collectivité est revenue en régie publique et pourquoi ce mode de gestion de l’eau est préférable à tout autre.
Quelques idées retenues des interventions de G.Amard les 21 et 22.09.2010 à Harnes ( conférence publique ) et à la CALL (rencontre avec élus et adhérents d’eau secours )
Le choix de revenir en régie se situe au niveau de l’intérêt général des citoyens, le registre est celui de la conviction argumentée et non de la polémique.
A l’égal de l’air, l’eau n’est pas une marchandise car elle conditionne la vie des êtres humains.
Rappel : L’eau paye l’eau, c.à.d. que son prix se retrouve uniquement dans la facture ( rien dans les impôts locaux ). Le délégataire reverse à la collectivité une part de ce qu’il reçoit , celle qui correspond aux investissements que la collectivité a en charge. Propriétaire ou pas, l’usager paie la construction des infrastructures et usines qui permettent le captage, le traitement et la distribution de l’eau.
Pourquoi l’eau est-elle moins chère en régie ?
parce qu’il n’y a pas de dividende à distribuer aux actionnaires
parce qu’il n’y a pas de frais attachés à l’existence de siège ou maison-mère internationale
parce qu’il n’y a pas de concurrence entre filiales ou multinationales
parce que les salaires des hauts responsables ne sont pas définis par la concurrence
parce que le privé doit payer l’impôt sur les sociétés
parce qu’il peut y avoir spéculation avec l’argent public qui leur est confié ( anticipation sur la facturation par exemple )
La gestion de l’eau est un des sujets où le capitalisme se manifeste de la manière la plus concentrée. Ce sont les banquiers d’empire qui ont créé les 2 premières sociétés chargées du captage et de la distribution de l’eau ( Lyonnaise des eaux et Compagnie générale des eaux ), c’est cet héritage historique qui explique l’existence de nombreux contrats de DSP ( délégation de service public ) en France ….ceci contrairement à ce qui existe dans les autres pays européens.
L’expérience et l’observation des factures ou rapports divers montre que 5 à 20 % du prix de l’eau facturée selon les communes correspond au bénéfice du délégataire ( une moyenne 16% sur l’ensemble de la CALL : Communuté d’agglomération de Lens-Liévin qui regroupe 36 communes).
Il faut noter également que l’eau captée et traitée mais non distribuée ( en raison des fuites sur le réseau, certaines d’entre-elles sont notamment dûes aux carences d’entretien ou de renouvellement pourtant budgétées ) est facturée à l’usager.
Important à savoir:Lors d’un retour en régie, les employés ont le droit d’être réemployés en gardant le statut de droit privé ( conventions collectives inchangées )…Ils peuvent aussi refuser l’offre de réemploi. Par contre, les fonctionnaires ne peuvent travailler dans une régie publique que s’ils obtiennent un détachement. Les personnels qui travaillent dans une société privée ou dans une société publique ont les mêmes qualifications…ils ont fréquenté d’ailleurs les mêmes écoles de formation.
Dans une DSP, les tarifs de l’eau peuvent être évolutifs au long de l’année si une clause de revalorisation existe dans le contrat de DSP.
Délégataire privé – délégataire public sont 2 statuts différents …affermage et concession des contrats différents...La mise en place d’un EPIC ( établissement public ) est nécessaire pour la gestion en régie. la régie autonome ( conseil communautaire ) est différente de la régie autonome à personnalité morale ( conseil d’administration composé d’élus , de représentants des personnels et d’ usagers et dont le responsable exécutif est la direction générale de l’EPIC ).
Le changement de régime peut se faire progressivement…par exemple pour la CALL , une première étape pourrait être la distribution. Rien ne s’y oppose, ni financièrement, ni techniquement. Ceci permet une réappropriation progressive des savoir-faire nécessaires à la gestion en ce domaine, de créer pour une collectivité une culture de fonctionnement en régie. Faire la démonstration du possible pour ensuite aller au bout de la démarche est un choix politique.
Il n’existe pas de masse critique pour assurer la gestion de l’eau en régie : l’importance des communes ou communautés n’est pas un obstacle . Par contre , l’association de collectivités permet de déterminer les domaines pris en responsabilité en régie, la rapidité éventuelle du retour, les économies d’échelle réalisables.
La mise à disposition de l’eau nécessaire à la vie des collectivités est obligatoire : En cas de besoin , le préfet peut réquisitionner les sociétés compétentes pour cela, les « capteurs d’eau » sont tenus de vendre de l’eau aux communes ( c’est une obligation légale ). L’interconnexion est rendue obligatoire entre les différents réseaux : des solutions existent donc en cas de pb grave sur l’un d’entre eux. Les maires ou présidents de collectivité intercommunale gardent la responsabilité juridique de l’accès à l’eau potable, ils restent ceux qui décident de l’intervention de tel ou tel acteur sur les sources d’eau ( nappes, rivières, etc.)
Les réseaux et infrastructures ont des durées de vie différentes. En moyenne, les réseaux ont une durée de vie maximale de 100ans : il est à noter que le provisionnement pour remplacement est rarement suffisant dans le cas d’une DSP ( Dans le cas de la CALL, il est de 0,14%, ce qui nécessiterait plus de 700 ans pour financer le remplacement des réseaux. Et cependant ,selon les contrats en cours, l’argent provisionné n’est pas entièrement utilisé : par exemple ,ceci représente dans l’expertise menée par le cabinet G2C environnement près de 1 Million d’euros pour la période 2006-2009, somme qui a été conservée par le délégataire actuel Véolia. )
La spécificité liée à la nature des sols, des bassins, des réseaux n’est en rien un obstacle insurmontable pour un retour en régie. Le recours à des spécialistes hydrogéologues indépendants peut faciliter la connaissance et l’anticipation des difficultés.
Le choix d’une gestion en régie a des incidences d’ordre environnemental, social, démocratique… Cette gestion permet une approche transversale de diverses problématiques, elle rend davantage possible de faire du « préventif ». En régie , le contrôle est plus aisé qu’en DSP où il y a « naturellement »décharge de responsabilité vers le délégataire qui s’intéresse au court terme ( le temps de la délégation ) ainsi qu’au chiffre d’affaire et à sa marge, et donc se situe dans « du curatif qui rapporte ».
La fin d’un contrat est une opportunité juridique pour changer de régime mais l’anticipation est également possible ( cf la décision de la communauté de pays de Montbéliard ).
Le fonctionnement en régie peut faciliter la mise en place d’une gratuité pour les premiers litres d’eau journaliers ( besoin essentiel à la vie ) d’une tarification plus forte pour des besoins de luxe ( arrosage automatique de pelouses, de terrain de golf, eau des piscines, etc. ), d’une tarification différente et de traitements différents pour les besoins d’eau potable ( cuisine, boisson ) et pour des besoins autres ( WC, nettoyage, etc. ), d’une tarification spécifique aux utilisations industrielles.
Lors de la matinée de formation du 22 septembre à la CALL, nous étions entre trente et quarante personnes parmi lesquelles plus de vingt élus délégués à la CALL représentant les divers groupes politiques.
De nombreuses collectivités de la CALL étaient représentées, soit par leur maire, soit par des adjoints ou conseillers municipaux. On peut notamment citer les villes de Ablain-St-Nazaire, Angres, Avion, Billy-Montigny, Grenay, Harnes, Liévin, Loos-en Gohelle, Méricourt, Sallaumines, Servins, Souchez.
La réunion était présidée par M. Christian Champiré Vice-président responsable de la commission eau et environnement.
Parmi les élus présents : M.BrunoTroni, président du groupe communistes et républicains, M. Patrice Delaleu, président du groupe PS et Verts, M. Jean-Marie Alexandre, président du troisième groupe , était représenté par un élu de sa ville M. Dominique Robillart, en charge de la protection des captages
M. Michel Rivière, directeur général des services techniques à la CALL, a également assisté aux travaux.
A consulter la galerie photos du 22 septembre 2010