Le mémoire de Jean HUET sur ce thème a remporté un 1° prix .
Vous pouvez trouver ci-après le résumé de ce mémoire et vous pouvez accéder au mémoire entier en vous rendant sur le site de la RECMA (Revue internationale de l’économie sociale). C’est à lire ici : http://recma.org/node/3836
Jean Huet:Quel(s) apport(s) des Sociétés coopératives d’intérêt collectif dans la gestion de l’eau ? le mar, 07/01/2014
1er prix de la 5e édition de la Recherche coopérative, édition organisée par le Crédit Mutuel et la Recma (UNIVERSITE MONTPELLIER III – PAUL VALERY Arts et Lettres, Langues et Sciences Humaines et Sociales UFR IV Sciences Economiques, Mathématiques et Sociales Département d’Administration Economique et Sociale)
Le résumé du mémoire
L’eau est une ressource naturelle précieuse car vitale dont le partage s’avère souvent conflictuel. Nous la consommons quotidiennement sans connaître toute la distribution des rôles d’acteurs publics et privés. L’eau est un bien commun dont chacun est en droit de disposer, son usage cause des tensions et des rivalités (Ostrom, 2009). L’aspiration des citoyens à prendre part aux choix concourant aux biens communs peut amener à développer une conception coopérative des services publics et proposer une nouvelle forme de gestion. Dans cette perspective, nous proposons d’étudier l’utilisation du statut de Société coopérative d’intérêt collectif (Scic), apparu en 2001, pour développer une approche multi-sociétariale et désintéressée de la gestion de l’eau. Au fond, la coopération peut-elle modifier les modes de régulation pour l’exploitation de cette ressource ?
Nous formulons deux hypothèses adaptées aux différents territoires de l’eau : le petit cycle et le grand cycle de l’eau. Le petit cycle constitue la partie « artificielle » de l’eau, c’est-à-dire le parcours créé par l’Homme pour disposer d’une eau à domicile. A cette échelle, nous développons le concept de « délégation coopérative » des services publics par l’utilisation du statut Scic, c’està- dire une gestion décloisonnant les frontières du « tout-privé » et du « tout-public » ouvrant ainsi une perspective nouvelle de participation des usagers. Cette première hypothèse concerne donc le petit cycle de l’eau. Pour son cycle naturel, dit le grand cycle de l’eau, notre enquête de terrain nous conduit à formuler une autre hypothèse par laquelle nous démontrons l’apport que constitue la coopération et que nous n’avions pas identifié initialement. Car en effet, le maintien d’une qualité de l’eau potable ne peut se faire sans un dialogue entre ceux qui polluent, et ceux qui consomment et subissent sa pollution. L’association de toutes les parties-prenantes dans une Scic a le mérite de mettre en présence des intérêts divergents et de contribuer à les faire converger.
Notre travail se découpe en trois grandes parties. Trois moments différents qui abordent respectivement la composition de la politique générale de l’eau en France, l’idée coopérative dans le petit cycle de l’eau, et l’élaboration d’une réponse coopérative dans le grand cycle de l’eau.
La première partie dresse le tableau de l’eau en France, du service communal à la règlementation européenne en vigueur. Une partie dense mais nécessaire pour comprendre tous les tenants de la politique de l’eau. Les aspects généraux que nous présentons permettent une compréhension de ce paysage et révèlent son caractère complexe. Nous faisons face à un milieu où un débat domine, celui du partenariat public-privé. La suprématie de la délégation de service public nous a en effet préoccupé : ce mode de gestion ne fait pas l’unanimité mais s’avère pourtant être la seule voie légale pour qu’une Scic gère un service d’eau. Enfin, nous concluons cette partie sur une dimension géopolitique, sous la forme d’un état des lieux des conflits entre l’Etat et les bassins versants ainsi qu’au sein de ces derniers espaces politiques. Nous identifions à cette occasion la réalité de la participation des citoyens dans l’organisation générale de la gestion de l’eau.
Cette partie introductive sur l’eau en France sert de point de départ pour, dans la seconde partie, répondre à notre interrogation sur la capacité d’une Scic à prendre en charge un service d’eau potable. Ce statut, que nous qualifions de moderne au regard de l’apparition du multisociétariat, permet de développer une réponse coopérative pour la gestion des services publics. Nous montrons que le statut Scic est le plus adapté et le plus en adéquation avec l’émergence de nouveaux mode de gouvernance public-privé. Nous considérons à la fois ce statut comme une réponse à la prise en compte des parties prenantes d’un territoire ou d’une politique publique, comme une contre-proposition au monopole public ou privé, et comme une piste pour réfléchir à la place des citoyens dans les affaires courantes de la cité. Cette analyse nous conduira à conceptualiser une nouvelle notion qui fait écho à la relation entre les services publics et les Scic, celle de la « délégation coopérative » des services publics. Une délégation coopérative de service public (DCSP) est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire. Le délégant s’associe à sa gestion en devenant sociétaire de la Scic au côté des autres parties-prenantes librement engagées. Les décisions concernant la gestion de ce bien public font l’objet de discussion entre tous les sociétaires de la coopérative.
La dernière partie s’intéresse à la coopération dans le grand cycle de l’eau, en matière de préservation de sa qualité. Cette dimension est apparue lors des entretiens. Nous avons alors creusé cette problématique, dressé un état des lieux pour évaluer les politiques actuelles et établir les pistes de nouvelles coopérations locales. Nous sommes entrés par le biais des solutions curatives et palliatives apportées au respect des normes sanitaires européennes avant de développer les solutions préventives mises en oeuvre en Europe (Munich) et aux Etats-Unis (New- York). Néanmoins, nous ne nous limitons pas à ces expériences étrangères qui nous servent uniquement d’exemples pour nous recentrer sur les projets pilotes en France portés par la fédération Nationale de l’Agriculture Biologique. Cette seconde hypothèse apparaît alors plus pertinente que la première, au sens où elle apporte une réelle nouveauté et qu’elle répond à un impératif de décloisonnement.
Cette recherche met en lumière le fait coopératif pour la gestion des services publics d’eau. Elle ne sera pas facile à faire émerger dans le paysage du partenariat public-privé actuel mais sa diffusion permet de soulever des questions novatrices en matière de mode de désignation de l’intérêt général et des conditions pratiques de sa mise en oeuvre.